Etant à la fois l’une des rares personnes à avoir anticipé la crise actuelle, dans sa nature, son calendrier et ses conséquences (avec LEAP), et le dirigeant du premier mouvement politique qui présentera des listes dans différents pays pour les élections européennes de Juin 2009 (avec Newropeans), je me trouve dans une position plutôt privilégiée pour essayer de comprendre si ces phénomènes coïncident par hasard ou s’ils représentent les expressions différentes d’un même changement systémique.
En effet, si la crise actuelle plonge ses racines dans les déséquilibres et les excès des vingt à trente dernières années, l’émergence de forces politiques trans-européennes remonte à environ 25 ans (et la relance du projet communautaire des années 1984-85). Cette coïncidence des temps reflète à mon sens une tendance historique lourde marquée par la montée en puissance d’un double processus d’internationalisation :
Dans les deux cas, l’état-nation est la victime du processus, dépossédé de ses pouvoirs essentiels et condamné à seulement faire illusion (notamment par l’hyper-agitation de ses dirigeants).
La crise actuelle illustre comment, malgré les annonces de soi-disants « plans de relance », les états européens sont désormais des acteurs secondaires. Et qu’on ne se trompe pas sur l’ « impuissance communautaire ». Ce sont la Commission, le Conseil européen et le Parlement européen qui sont impuissants, faute de légitimité politique et de pouvoirs concrets. En revanche la Banque Centrale Européenne mène bien la danse et demain, c’est-à-dire en 2009-2010, devant l’aggravation de la crise mondiale, les Etats membres de l’Eurozone vont devoir créer un vrai secrétariat politique adossé à une agence d’emprûnts publics commune à toute l’Eurozone ... illustrant la marginalisation du pouvoir national. D’ailleurs s’il y a bien une chose qui est devenue claire pour tous en terme d’intérêt collectif européen grâce à cette crise historique, c’est que « hors de l’Eurozone, point de salut » (comme l’illustre désormais la course à l’Euro de tous les pays ’Euro’ sceptiques de la décennie passée).
La fragmentation probable désormais du marché mondial en une série de blocs régionaux va accentuer l’effacement national économique et financier dans l’UE, consacrant un fait devenu pourtant évident à tout observateur attentif de la vie politique en Europe depuis vingt ans : le pouvoir est devenu européen. Pouvoir économique, financier, stratégique, diplomatique, règlementaire, ... et donc désormais, en tant de crise, également pouvoir social et politique.
Ce qui nous conduit au second volet de cet argumentaire. La politique n’étant rien d’autre que la conquête et l’utilisation du pouvoir, ceux qui en font pour essayer de changer les choses dans l’intérêt général (définition la plus juste à mon sens de la notion de « forces progressistes ») doivent donc de toute urgence se poser la question du pouvoir en Europe. Où se trouve désormais le pouvoir ? Toujours au niveau national ? Ou bien est-il désormais passé au niveau européen (sachant que sa dimension globale s’évanouit au fur et à mesure du développement de la crise) ?
Les explications précédentes permettent de répondre clairement à cette question : en Europe, désormais, le pouvoir n’est plus au niveau national, mais il s’est déplacé au niveau européen. Cela devrait donc conduire les forces progressistes du continent à en tirer une conclusion honnête vis-à-vis de leurs électeurs et de leurs militants : il faut cesser de tromper les citoyens en leur faisant croire que les partis politiques nationaux et les élections nationales représentent les enjeux centraux du pouvoir. Il faut au contraire construire les forces politiques trans-européennes qui permettent, autour de l’élection du Parlement européen, et de séries d’actions politiques trans-européennes de créer les instruments, les compétences et la légitimité démocratique pour contrôler le pouvoir au niveau européen, au lieu de le laisser, comme aujourd’hui dans les seules mains des lobbies et des bureaucrates.
Car, le pouvoir de changer la réalité, pour améliorer la situation du plus grand nombre et pour servir l’intérêt collectif, nécessite le contrôle du pouvoir là où il est ... et non pas là où on préfère penser qu’il se trouve. Bien entendu, cela impose de faire des sacrifices douloureux, comme de construire de nouvelles forces politiques, comme de dire la vérité à ses militants et électeurs (qui en fait commencent à s’en apercevoir tous seuls) sur l’impuissance des partis progressistes nationaux, etc .... Mais personne n’a jamais dit que la conquête et l’exercice du pouvoir réel était une promenade de santé.
Bien entendu, les forces conservatrices, celles qui, à droite ou à gauche de l’échiquier politique de chacun de nos pays (ne veulent en fait pas changer grand-chose) se satisfont parfaitement de cette fiction de compétition nationale pour un pouvoir désormais passé au niveau européen, hors de portée nationale. De toute façon, elles préfèrent en général que le pouvoir soit aux mains de groupes hors du champ démocratique.
Mais pour les autres, ceux qui veulent que les citoyens aient réellement une influence sur notre avenir collectif, ceux qui souhaitent pouvoir faire évoluer nos sociétés au profit du plus grand nombre, ... est- ce que continuer à « voter national » n’est pas une réelle trahison de leurs espoirs, de leurs souhaits, de leurs convictions ?
En 2009, au milieu d’une crise historique, avec une monnaie et un marché unique en particulier, la question mérite d’être posée.
En conclusion, à moins de six mois des élections européennes, à un moment où ni les partis politiques nationaux, ni les médias nationaux, ne parlent des enjeux de la prochaine législature européenne, celle qui pourtant sera centrale dans la crise qui nous affecte, les femmes et les hommes qui souhaitent réellement changer la société dans l’intérêt du plus grand nombre devraient se poser des questions très concrètes :
Voter ou militer pour un parti national, avec son programme national, ses enjeux nationaux, sa vision limitée aux questions nationales est-il honnêtement le meilleur moyen pour changer la société ?
Ce parti national sera-t-il capable de comprendre, d’anticiper et de résoudre les problèmes majeurs qui nous attendent dans les années à venir ? Ou bien sera-t-il condamné, et nous avec, à se révéler impuissant et à rejeter les fautes sur l’Europe et/ou le reste du monde ?
Tout simplement, peut-on encore être honnêtement progressiste en politique en Europe en 2009, et voter/militer uniquement pour un parti national ?
En effet, si la crise actuelle plonge ses racines dans les déséquilibres et les excès des vingt à trente dernières années, l’émergence de forces politiques trans-européennes remonte à environ 25 ans (et la relance du projet communautaire des années 1984-85). Cette coïncidence des temps reflète à mon sens une tendance historique lourde marquée par la montée en puissance d’un double processus d’internationalisation :
- d’un côté la globalisation marchande
- de l’autre la régionalisation politique
La crise actuelle illustre comment, malgré les annonces de soi-disants « plans de relance », les états européens sont désormais des acteurs secondaires. Et qu’on ne se trompe pas sur l’ « impuissance communautaire ». Ce sont la Commission, le Conseil européen et le Parlement européen qui sont impuissants, faute de légitimité politique et de pouvoirs concrets. En revanche la Banque Centrale Européenne mène bien la danse et demain, c’est-à-dire en 2009-2010, devant l’aggravation de la crise mondiale, les Etats membres de l’Eurozone vont devoir créer un vrai secrétariat politique adossé à une agence d’emprûnts publics commune à toute l’Eurozone ... illustrant la marginalisation du pouvoir national. D’ailleurs s’il y a bien une chose qui est devenue claire pour tous en terme d’intérêt collectif européen grâce à cette crise historique, c’est que « hors de l’Eurozone, point de salut » (comme l’illustre désormais la course à l’Euro de tous les pays ’Euro’ sceptiques de la décennie passée).
La fragmentation probable désormais du marché mondial en une série de blocs régionaux va accentuer l’effacement national économique et financier dans l’UE, consacrant un fait devenu pourtant évident à tout observateur attentif de la vie politique en Europe depuis vingt ans : le pouvoir est devenu européen. Pouvoir économique, financier, stratégique, diplomatique, règlementaire, ... et donc désormais, en tant de crise, également pouvoir social et politique.
Ce qui nous conduit au second volet de cet argumentaire. La politique n’étant rien d’autre que la conquête et l’utilisation du pouvoir, ceux qui en font pour essayer de changer les choses dans l’intérêt général (définition la plus juste à mon sens de la notion de « forces progressistes ») doivent donc de toute urgence se poser la question du pouvoir en Europe. Où se trouve désormais le pouvoir ? Toujours au niveau national ? Ou bien est-il désormais passé au niveau européen (sachant que sa dimension globale s’évanouit au fur et à mesure du développement de la crise) ?
Les explications précédentes permettent de répondre clairement à cette question : en Europe, désormais, le pouvoir n’est plus au niveau national, mais il s’est déplacé au niveau européen. Cela devrait donc conduire les forces progressistes du continent à en tirer une conclusion honnête vis-à-vis de leurs électeurs et de leurs militants : il faut cesser de tromper les citoyens en leur faisant croire que les partis politiques nationaux et les élections nationales représentent les enjeux centraux du pouvoir. Il faut au contraire construire les forces politiques trans-européennes qui permettent, autour de l’élection du Parlement européen, et de séries d’actions politiques trans-européennes de créer les instruments, les compétences et la légitimité démocratique pour contrôler le pouvoir au niveau européen, au lieu de le laisser, comme aujourd’hui dans les seules mains des lobbies et des bureaucrates.
Car, le pouvoir de changer la réalité, pour améliorer la situation du plus grand nombre et pour servir l’intérêt collectif, nécessite le contrôle du pouvoir là où il est ... et non pas là où on préfère penser qu’il se trouve. Bien entendu, cela impose de faire des sacrifices douloureux, comme de construire de nouvelles forces politiques, comme de dire la vérité à ses militants et électeurs (qui en fait commencent à s’en apercevoir tous seuls) sur l’impuissance des partis progressistes nationaux, etc .... Mais personne n’a jamais dit que la conquête et l’exercice du pouvoir réel était une promenade de santé.
Bien entendu, les forces conservatrices, celles qui, à droite ou à gauche de l’échiquier politique de chacun de nos pays (ne veulent en fait pas changer grand-chose) se satisfont parfaitement de cette fiction de compétition nationale pour un pouvoir désormais passé au niveau européen, hors de portée nationale. De toute façon, elles préfèrent en général que le pouvoir soit aux mains de groupes hors du champ démocratique.
Mais pour les autres, ceux qui veulent que les citoyens aient réellement une influence sur notre avenir collectif, ceux qui souhaitent pouvoir faire évoluer nos sociétés au profit du plus grand nombre, ... est- ce que continuer à « voter national » n’est pas une réelle trahison de leurs espoirs, de leurs souhaits, de leurs convictions ?
En 2009, au milieu d’une crise historique, avec une monnaie et un marché unique en particulier, la question mérite d’être posée.
En conclusion, à moins de six mois des élections européennes, à un moment où ni les partis politiques nationaux, ni les médias nationaux, ne parlent des enjeux de la prochaine législature européenne, celle qui pourtant sera centrale dans la crise qui nous affecte, les femmes et les hommes qui souhaitent réellement changer la société dans l’intérêt du plus grand nombre devraient se poser des questions très concrètes :
Voter ou militer pour un parti national, avec son programme national, ses enjeux nationaux, sa vision limitée aux questions nationales est-il honnêtement le meilleur moyen pour changer la société ?
Ce parti national sera-t-il capable de comprendre, d’anticiper et de résoudre les problèmes majeurs qui nous attendent dans les années à venir ? Ou bien sera-t-il condamné, et nous avec, à se révéler impuissant et à rejeter les fautes sur l’Europe et/ou le reste du monde ?
Tout simplement, peut-on encore être honnêtement progressiste en politique en Europe en 2009, et voter/militer uniquement pour un parti national ?
Franck Biancheri
Président Newropean
12 janvier 2009 - sur AgoraVox