Elections européennes ? Pourquoi « européennes » ? Qu’ont-elles d’européen ?

Harald Greib - 01/02/2009



Du 4 au 7 juin, les électeurs européens sont invités à élire le Parlement européen dans le cadre des élections européennes de 2009. Mais s’agit-il vraiment de cela ? Existe-t-il vraiment des « élections européennes » ?
Non. Les élections du Parlement européen sont tous sauf une élection européenne. Il s’agit en fait de 27 élections nationales dans lesquelles les électeurs nationaux élisent leurs 27 groupes de représentants au Parlement européen. L’élection législative européenne n’est rien d’autre qu’une série de 27 élections nationales indépendantes organisées au cours d’un même week-end. Dans le même ordre d’idée, cette élection se déroule suivant 27 lois électorales différentes. Le droit européen se contente d’établir le plus strict minimum de règles communes dans ce domaine. Par exemple, il détermine le nombre total de délégués au Parlement européen et leur répartition suivant les 27 états membres, et il permet aux ressortissants d’un état membre de l’UE résidant dans un autre état membre de se présenter comme candidat et de voter. Pour tout le reste, le législateur national n’a d’autres contraintes que celles fournies par les constitutions nationales pour réguler, influencer ou même entraver le processus de l’élection au Parlement européen.. La Directive européenne sur l’élection au Parlement européen manque tellement d’ambition dans sa volonté de créer une procédure électorale authentiquement européenne que la Commission européenne n’a même pas jugé utile de procéder à une compilation ni même à un tour d’horizon des 27 lois électorales nationales. Apparemment, elle ne trouve pas intéressant de rassembler l’information concernant les principes électoraux qui pourraient être rendus compatibles entre les états membres dans le but de les rationaliser grâce à l’une de ses procédures d’harmonisation dont elle est pourtant si friande, pour permettre au Parlement européen de représenter une volonté politique européenne. Toute politique d’harmonisation, pourtant systématiquement mise en œuvre dans le domaine de l’économie (sans aucune considération pour les caractéristiques et besoins nationaux) afin obtenir une concurrence aussi libre et dérégulée que possible, ne semble plus avoir la moindre pertinence lorsqu’il s’agit de constituer un organe de l’Union européenne. Droit civil, droit des entreprises, droit pénal, droit financier… les états membres doivent les adapter aux standards européens. Mais que l’on en vienne à l’élection législative européenne et tout est parfait, acceptable, les procédures nationales sont toutes aussi bonnes les unes que les autres.
Les lois électorales des différents états membres varient pourtant considérablement. Dans certains états, seuls les partis nationaux peuvent être candidats à l’élection, alors que dans d’autres de simples listes d’électeurs sont admises. Dans certains états membres, il y a de nombreuses circonscriptions, dans d’autres il y en a une seule. Dans certains états, un nouveau parti doit rassembler 160.000 signatures d’électeurs pour se présenter, dans d’autres il n’en a besoin d’aucune. Dans certains états, ces signatures doivent être approuvées par écrit par l’autorité électorale, dans d’autres les signatures doivent se faire en présence de l’autorité électorale ou d’un avoué, dans d’autres encore les signatures sont acceptées en dehors de toute procédure de validation. Dans certains états, les partis ou listes d’électeurs en lice doivent verser un dépôt de garantie dont le montant peut varier de négligeable à considérable. Dans un pays (la France), les obstacles officiels sont peu nombreux au premier abord, mais les partis doivent payer les coûts d’impression de leurs bulletins de vote ce qui correspond, pour un total de 47 millions d’électeurs, à plus d’un million d’euros. 
Pour parler brutalement, dans certains cas, les lois électorales sont faites pour limiter la concurrence politique. Les nouveaux partis sont tenus à l’écart de l’arène politique. Si l’on prend le cas de l’Italie, il faut récolter 35.000 signatures dans chacun des cinq districts électoraux, pour le seul privilège de figurer sur le bulletin de vote officiel. De plus, chaque signature doit être authentifiée par un notaire, le nouveau parti devant prendre à sa charge les frais d’authentification. La simple aspiration à participer à une élection coûte ainsi énormément de temps et d’argent.
La période de récolte des signatures varie également d’un état membre à l’autre, suivant pour une fois un principe commun : elle est relativement courte. C’est seulement une fois que les candidats aux instances du parti ont été désignés, ce qui est possible au plus tôt 6 à 8 mois avant l’élection elle-même, que le nouveau parti peut commencer sa campagne de collecte des signatures, qu’il doit déposer un à deux mois avant l’élection.
Par rapport à l’Italie ou au Danemark, où il faut réunir 70.000 signatures, la situation est presque trop belle pour être vraie en Allemagne : soit 2.000 signatures par liste régionale (16) soit 4.000 signatures pour la liste fédérale. Un parti qui ne serait pas capable de rassembler ce nombre de signatures n’aurait de toutes manières aucune raison de nourrir le moindre espoir d’obtenir les 5% de voix requis pour envoyer des élus au Parlement européen.
Mais ce qui n’est pas prévu, ce qui est même interdit par les lois électorales nationales, c’est… un parti européen. N’est-ce pas étrange ? L’objet de l’élection est la constitution d’une institution de l’Union européenne… et seuls des partis nationaux ont le droit de nommer des candidats, à savoir des partis dont les membres, le programme, les objectifs, la sensibilité et les préoccupations sont structurellement nationaux, partis dénués de toute compréhension des questions politiques européennes et dont les membres n’ont pas la moindre formation européenne. Mais pourquoi un parti national se battrait-il par exemple pour une politique européenne internationale qui, par nature et définition, réduit la souveraineté nationale en matière d’affaires étrangères, si le ministre national des affaires étrangères qui perd ainsi de son influence est membre de ce parti ? Pourquoi un parti national défendrait-il l’émergence de partis européens, se créant ainsi à lui-même de la concurrence à la prochaine élection européenne ?
Sans doute, cela explique-t-il la faible qualité de la production politique du Parlement européen. Ce n’est pas la faute des acteurs eux-mêmes, même si les partis nationaux utilisent joyeusement le Parlement européen pour se débarrasser de politiciens en déroute au plan national [1]. Le problème est structurel. Prenons un pari informé sur le nombre de partis représentés au parlement européen : d’Allemagne six, de France (probablement ) six, du Royaume-Uni (probablement) quatre… Si l’on compte environ quatre partis par état membre, on obtient 108 partis représentés au parlement européen. Le fait que ces 108 partis s’agglomèrent au sein de groupes parlementaires européens ne résout pas le dilemme : leur plateforme politique, même en matière européenne, est nationale ; ils ont été créés et élus au plan national. Les candidats de 108 partis différents ont été envoyés au parlement européen avec 108 programmes différents. Les 8 groupes parlementaires européens sont donc composés d’environ 13 partis chacun. Dès lors, est-ce vraiment si étonnant que le plus petit commun dénominateur soit si minuscule et empêche tant la moindre initiative politique intéressante d’émaner du Parlement européen ?
Une démocratie en Europe n’est possible que si le Parlement européen est élu par tous les électeurs européens au cours d’une élection trans-européenne unique, se dotant ainsi d’une légitimité trans-européenne et devenant enfin capable de canaliser une véritable volonté politique européenne qui sera tout sauf le plus petit commun dénominateur des programmes de plus de cent partis politiques nationaux. Alors seulement l’élection législative européenne sera une véritable élection européenne. Le système actuel quant à lui n’est qu’une énorme fraude à l’étiquetage, masquant la triste réalité du monopole des partis nationaux sur le système politique européen. 
Harald Greib* 
St Jean de Fos - France

traduit de l’anglais par Marie-Hélène Caillol "European elections ? Why European ? What’s European about them ?"
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*Harald Greib est Vice-Président de Newropeans et auteur du livre "Berlin mit Bitte um Weisung" un roman politique européen publié par MDV en 2006.
Newropeans est le 1er mouvement citoyen européen à se présenter aux élections européennes de juin 2009 dans 10 pays de l’UE, Son objectif est de démocratiser l’Union européenne.

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