Dans la catégorie “Essais” du Prix du livre Européen “CRISE MONDIALE EN ROUTE POUR LE MONDE D’APRÈS ” le livre de Franck Biancheri avait été retenu parmi les cinq titres encore en compétition. Hier, le 7 décembre, le 5ème Prix du livre Européen a été attribué cette année à Anna Bikont, journaliste et écrivain polonaise, pour son livre “LE CRIME ET LE SILENCE JEDWABNE 1941, LA MEMOIRE D’UN POGROM DANS LA POLOGNE D’AUJOURD’HUI ” et nous l’en félicitons. Mais une fois de plus je constate que les élites intellectuelles européennes préfèrent l’histoire à l’avenir.
Le pari est facile, rien ne pourra venir contredire la qualité de recherches des faits historiques, mais construire même intellectuellement le monde d’après c’est trop de travail et de responsabilité.
Une fois de plus les élites intellectuelles européennes ont montré leur inaptitude à concevoir autre chose que l’Europe vue par le petit bout de leur lorgnette académique historique. Une fois de plus elles se mettent en complet porte à faux avec l’opinion publique. Une fois de plus elles montrent combien elles sont lointaines et distantes des aspirations de la société civile. Une fois de plus elles font acte d’un total désintérêt des enjeux politiques, sociétaux actuels et futurs. Pas étonnant qu’elles soient si peu populaires. Mais c’est peut-être aujourd’hui ce qui caractérise toutes les élites, et surtout les intellectuelles, penser qu’elles sont supérieures à tout le monde surtout au peuple et qu’elles n’ont pas besoin de leçons, puisqu’elles sont elles-mêmes les donneuses de leçons.
On a vu ce que cela donne en politique, ce ne sont plus les élites des classes politiques qui sont élues, mais des technocrates, des hommes de terrain, des comptables financiers et budgétaires, qui n’ont rien à voir avec les politiciens qui sont nommés. On voit aussi ce que cela donne avec les élites intellectuelles, dépassées par le débat, qui se complaisent dans le larmoiement des mémoires, donnent des leçons d’histoire, mais ne sont pas écoutées par les peuples à la dérive, qui eux s’en fichent de tout ce savoir qui ne les nourrit pas aujourd’hui et ne les nourrira pas demain.
D’ailleurs le peuple a-t-il à un moment ou un autre été questionné dans cette histoire?
Encore un prix pour rien...
Je n’ai pas lu le livre qui a été primé, j’avoue. Encore une histoire de pogrom! Certes il est important de rétablir la vérité historique, mais est-ce que cela mérite un prix? Est-ce que çà va «Donner envie d’ Europe » ?
“A l’heure où se façonnent les identités économiques et institutionnelles, il est du devoir de chacun de rassembler les différences et de souder le sentiment communautaire. Le 5ème Prix entend promouvoir les valeurs de l’Europe et contribuer à mieux incarner l’Union auprès des citoyens. Il couronne un roman et un essai exprimant une vision de l’Europe publié dans l’un des 27 pays membres de l’Union européenne au cours de l’année écoulée.”… c’est ce que prétend France Roque, la présidente de l’association …
Ah bon? le livre sur les pogroms exprime une vision d’avenir de l’Europe??? Il faudrait que les membres du jury se rappellent un peu les objectifs du prix. Je ne sais pas quel sentiment communautaire ce livre est censé souder, mais certainement pas celui des jeunes qui sont bien plus préoccupés par ce à quoi l’Europe va ressembler demain, et non pas par des règlements de compte historiques, nationaux-nationalistes. Qu’est-ce que çà peut bien faire à un jeune Beur de Villeurbanne, à un jeune indigné espagnol, ou à un jeune chômeur grec, de savoir qu’un pogrom en Pologne n’a finalement pas été un acte abominable perpétré par des nazis allemands mais des Polonais eux-mêmes? Je ne nie pas l’intérêt historique, ni l’intérêt national polonais, allez disons germano-polonais, puisqu’il s’agit pour une fois de rectifier une version de l’histoire, mais quelle vision de l’Europe de demain là-dedans?
Jacques Delors écrit: “Les créateurs de ce Prix voulaient avant tout que l’on réfléchisse sur l’Europe : son histoire, ses valeurs, ses diversités, ses conflits et ses convergences… cette Europe, tant bousculée par l’Histoire, possède d’énormes ressources pour assurer sa survie, son destin et son rayonnement.“
On a longuement réfléchi en long en large et en travers sur l’Europe et son histoire, surtout celle-là! D’autres pans seraient sans doute à explorer. Mais si les seules ressources pour assurer la survie et le rayonnement de l’Europe c’est de puiser dans l’histoire, alors l’Europe est morte. On ne puise que dans les souvenirs des disparus ou de ceux qui sont en fin de vie. Je veux bien, Delors est sans doute en fin de vie, mais pas les Européens. Notre rayonnement n’est pas dans nos capacités à ressasser la seconde guerre mondiale et ses atrocités et notre destin n’est pas de nous complaire éternellement dans notre don à dépasser nos diversités et nos conflits historiques, mais d’imaginer les instruments qui feront que nos valeurs et nos convergences seront encore défendues demain et qui leur assureront un nouveau rayonnement dans le monde. Notre destin, il est dans le futur, dans le monde d’après! Certainement pas dans celui d’hier!
Une fois de plus nos élites intellectuelles européennes ont raté le coche, au lieu d’accompagner l’Histoire, elles se raccrochent aux vestiges du passé, en faisant cela elles contribuent à détacher la société civile de toute référence intellectuelle essentielle pourtant dans les temps qui courent, et menacent la survie de nos valeurs. Mais sans doute est-ce leur prêter trop d’importance…
Quel dommage que le livre n’ait pas été primé, il aurait apporté un souffle nouveau à l’action politique qu’il appelle à mettre en place. Mais heureusement, malgré ces elites fatiguées, avec deja plus de 10 000 exemplaires vendus ce livre trouve son public tout seul partout en Europe et au-delà, USA, Japon, Argentine, Mexique, Russie… un rayonnement véritablement européen à échelle mondiale tout simplement.
Marianne Ranke-Cormier
08/12/2011
-> Lauréate Prix du Livre Européen 2011 – Essais: Anna Bikont pour LE CRIME ET LE SILENCE JEDWABNE 1941, LA MEMOIRE D’UN POGROM DANS LA POLOGNE D’AUJOURD’HUI
-> Lauréat Prix du Livre Européen 2011 – Roman: Maxim Leo pour HISTOIRE D’UN ALLEMAND DE L’EST